Mot:Fétichisation

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La fétichisation désigne l’invisibilisation d’un processus social, son oubli, son déni ou son refoulement.

À la place du processus social, nous ne voyons qu’un objet qui semble doté d’un pouvoir ou porteur d’une réalité.

Pour comprendre le phénomène, nous pouvons nous rapporter à un exercice que proposait Marc-Aurèle. Bien sûr, Marc-Aurèle ne parlait pas de « fétichisation », il parlait d’ « enflure », tuphos.

Il donnait l’exemple du laticlave, cette bande pourpre cousue à la tunique des sénateurs et des chevaliers. Il suggérait de ne plus y voir un insigne mais simplement de la laine et de la teinture, autrement dit des « poils de brebis » et du « sang de coquillage ».

« Grâce à quoi on pourra, dit-il, les dénuder (apogumnoun […]) et voir de haut (kathoran), voir de haut en bas leur euteleian(c’est-à-dire leur peu de valeur, leur bon marché). Et ainsi pourrons-nous nous déprendre de l’enflure (tuphos), de l’ensorcellement par lequel elles risquent de nous capter et de nous captiver »[1].

De la même manière que nous investissons un insigne d’une symbolique en oubliant sa nature matérielle, nous investissons les objets d’une valeur et nous les transformons en marchandise.

Ainsi, nous croyons qu’une marchandise a de la valeur « en soi », mais en réalité la valeur n’est pas une qualité de l’objet comme sa matière, sa forme ou sa couleur. « Jusqu’ici aucun chimiste n’a découvert de valeur d’échange dans une perle ou dans un diamant », dit Marx à la fin du premier chapitre du Livre I du Capital.

La valeur n’est pas une qualité de la chose. Au travers de la valeur, la chose manifeste des rapports sociaux qui ont permis sa production : le rapport au travailleur, le rapport à la nature, le rapport à la société, le rapport à l’héritage immatériel, le rapport aux actionnaires[1]. Au travers de la valeur, elle manifeste également notre place dans la société, nous qui acquérons cette marchandise.


[1] J’élargis les rapports incorporés dans la valeur car Marx parle essentiellement du travail.


[1] Cet exercice stoïcien est décrit par Foucault dans son ouvrage Herméneutique du sujet, parmi les pratiques philosophiques de « conversion de soi », de « souci de soi », d’« équipement de soi », a pour objectif « d’établir la liberté du sujet ». 

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